Le 23 octobre, le groupe Rossel, éditeur de Metro, a annoncé que le « quotidien belge gratuit » allait cesser sa parution. Il n’y a plus d’édition papier et le site web fermera ses portes en janvier prochain. Lancé en 2000, ce journal tiré en deux langues (français et néerlandais) et présenté comme le « premier site d’information en Belgique francophone » a subi de plein fouet la crise Covid et perdu petit à petit le lien avec ses lecteurs (gares, campus, entreprises…). « En dépit des efforts de l’ensemble des équipes, les rentrées publicitaires, seules sources de revenus de Metro, restent structurellement trop basses pour financer l’activité. (…) » a précisé Rossel dans un communiqué.
Cette mauvaise nouvelle pour l’ensemble de la profession – c’est un titre de moins, des pertes d’emploi et un lectorat privé de contenus quotidiens – nous renvoie inévitablement à ce concept de « presse gratuite d’information » et aux diverses expériences en la matière qui se sont développées, avec plus ou moins de succès ces dernières décennies en Europe, mais aussi au Canada (20 Minutes, Direct Matin, Info Matin…).
Au sein du collectif Kiosque, cette idée de « gratuité » nous chiffonne quelque peu. Le journalisme, a fortiori s’il est fouillé, exigeant, ambitieux, n’est jamais gratuit ! Pour produire des articles de qualité, réaliser des enquêtes au long cours ou des reportages de grande ampleur, quels que soient les formats (écrits, web, podcasts…), il faut nécessairement trois conditions : du temps, des moyens financiers et humains et des compétences partagées.
Depuis l’arrivée d’internet fin des années 1990, on a lentement et insidieusement habitué l’opinion publique à l’idée fallacieuse selon laquelle l’information est disponible partout, tout le temps, sans contrepartie pécuniaire. C’est évidemment un leurre ! Pour vivre et se développer, la presse s’appuie sur trois sources principales de revenus : les recettes tirées des ventes et abonnements, la publicité commerciale et/ou les aides publiques. A chaque média, évidemment, son propre modèle économique. Et l’exemple de Metro montre que le « tout-aux-annonceurs » est un modèle difficile à tenir en cette période tendue de crise socio-économique.
Au sein du collectif Kiosque, nous défendons farouchement l’idée du juste prix de l’information. En rappelant combien notre travail journalistique qui s’inscrit dans la durée et vise l’intérêt général, ne peut exister sans l’engagement et le soutien précieux de nos communautés de lectrices et de lecteurs. Lesquelles acceptent de « payer » pour lire nos magazines, parcourir nos médias en ligne ou écouter nos podcasts. C’est un gage de confiance et d’investissement qui nous permet, en priorité, de réaliser notre travail d’artisans de l’information avec passion et humilité. Pendant ce temps, sur la Toile circulent, en flux continu, avec la force inouïe de transmission des entreprises des plus puissantes de la planète, les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), des milliards de nouvelles « gratuites », financées par divers canaux dont l’origine est tantôt très claire, tantôt franchement opaque.
Au final, c’est un peu David contre Goliath. Une concurrence somme toute déloyale avec laquelle nous, « petits-médias-libres-belges-francophones », devons composer sans jouer les victimes, en assumant nos spécificités et en rappelant à tous les acteurs de la société (citoyens, élus, leaders d’opinions…), l’importance d’une presse libre et plurielle dans la vie démocratique.
Nous refusons donc de tomber dans un journalisme au rabais, low cost et vite expédié, à la merci du seul marché publicitaire et soumis aux diktats de l’industrie de la gratuité. Nous visons ensemble une indépendance la plus large possible en proposant une diversité de contenus, comme en témoigne encore cette copieuse newsletter qui vous donne un riche aperçu de notre différentes lignes éditoriales.
Hugues Dorzée, rédacteur en chef du média Imagine, pour le collectif Kiosque
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