Un dimanche de garde au journal Le Soir à la fin des années 1990, je me souviens avoir reçu un appel d’un lecteur qui s’interrogeait très sérieusement sur la finalité de nos journaux invendus. Un peu décontenancé par la question, je lui répondis que je n’en savais absolument rien. Tout de go il me répond : « Je suis propriétaire d’un chenil et je cherche de quoi fabriquer des litières pour mes chiens ? ». A la fois médusé et amusé, je lui transmis alors le numéro de la rédaction en chef pour qu’il puisse explorer les modalités pratiques de ses pissotières canines !
Depuis, cette histoire cocasse m’accompagne comme une petite musique nous rappelant combien l’humilité (comme la curiosité et l’écoute) est une vertu cardinale de nos métiers. Que nos articles, nos photos, nos illustrations sont définitivement de toutes petites choses éphémères. Qu’elles passent, se transmettent, se conservent, se recyclent et se détruisent aussi. Nos « grandes-œuvres-journalistiques », petites ou grandes, termineront aussi leurs vies dans un compost, une chaussure de foot à sécher ou une litière canine !
Trente ans plus tard, à l’heure du tout-aux-écrans et de la dématérialisation des contenus, notre attachement à l’objet papier reste une question à la fois complexe et passionnante, notamment au sein des médias indépendants et du collectif Kiosque. On sait que la littérature scientifique est remplie d’études qui démontrent les vertus de la lecture sur un imprimé. Elle améliore la compréhension, favorise l’acquisition de connaissances, stimule la mémoire, la concentration et l’attention, permet une expérience sensorielle enrichie et améliore le développement cognitif et émotionnel, notamment chez les enfants.
Par ailleurs, alors que le digital domine nos vies, on n’a jamais autant produit de livres, de magazines, de revues… Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les rayons de sa librairie préférée ou d’un point presse afin de mesurer l’ampleur de la production imprimée au 21e siècle. Avec, il faut aussi le souligner, un impact carbone fort tout au long de la chaîne (fabrication du papier, impression, transport, destruction des « rebuts »…), qui pose là d’autres questions.
Toutefois, vouer un culte au seul média « papier » serait à la fois absurde, rétrograde et décalé face à un marché en pleine mutation. Car d’autres études démontrent que le web, de son côté, permet aussi un journalisme créatif, participatif, inclusif, expérimental. Avec des liens hypertextes et des images interactives qui enrichissent l’expérience des lecteurs et des lectrices, des formats nouveaux qui facilitent une compréhension globale des enjeux, un accès à l’information élargi au plus grand nombre, etc.
Pour nos médias indépendants, c’est un savant (et passionnant) équilibre à trouver sur le plan éditorial et économique, pour combiner l’imprimé et le digital, articuler et monétiser nos contenus, élargir nos audiences, composer avec de nouvelles formes de consommation de l’info, tout en gardant nos spécificités journalistiques, nos convictions éditoriales et notre éthique. Un chantier en perpétuelle évolution, jamais terminé et qui a encore de beaux jours devant lui. Avec ou sans nos amis les chiens et leurs médiatiques litières…
Hugues Dorzée (Imagine)
Wilfried
« Notre société tolère davantage la diversité qu’il y a vingt ou trente ans »
Enfant de la vallée de la Vesdre, lui qui a grandi avec des « Kévin » et leur sentiment d’abandon par les élites, avec les chansons de Renaud, avec les ambiances d’après-match à la buvette de son club de foot, Hassan Bousetta est devenu professeur de sociologie à l’université de Liège, spécialisé dans les migrations et la géopolitique de la Méditerranée. Un regard qui fait autorité sur l’immigration marocaine en particulier, mais aussi sur le déclin du PS pour lequel il fut sénateur, et plus largement sur les questions identitaires, nouvelle matrice du discours politique. Révolté par la théorie fallacieuse du « grand remplacement », il croit en la « capacité intégratrice de nos sociétés ». Regardez la périphérie liégeoise, veut-il donner en exemple. Mais… regardez un peu moins Bruxelles.
Alter Echos
Les commerces de quartier face au boom des relais colis
Du magasin de lingerie au club de sport, les petits commerçants se retrouvent ensevelis sous les colis. Dans cette jungle 2.0, certains voient le point relais comme une aubaine pour attirer les clients, d’autres dénoncent des conditions dégradantes.
axelle
Autisme, de l’autre côté du spectre
C’est l’histoire d’une souffrance mentale et physique qui n’a trouvé aucun écho. D’une errance médicale qui traverse l’enfance, l’adolescence et s’échoue sur des stéréotypes à la peau dure. Ce sont trois histoires qui racontent l’invisibilisation des minorités de genre sur le spectre de l’autisme, et comment on en arrive là.
Imagine
Cancers, copines, cousines et voisines
Le cancer du sein affecte plus de dix mille femmes chaque année en Belgique. Autour d’elles, beaucoup d’autres se coordonnent pour les soutenir au quotidien. Une sororité presque logique, jamais questionnée.
Le Ligueur
Mamans esseulées, combats pour exister
Dans le cadre d’un partenariat avec l’asbl Le Petit Vélo Jaune, le Ligueur vient de publier un dossier nourri de reportages réalisés par Jehanne Bergé. Difficultés en cascade, fins de mois serrées, peu d’entourage sur qui compter… La journaliste décrypte ces galères, dénominateur commun pour de nombreuses mères célibataires, et plus encore pour les femmes ayant connu un parcours migratoire. Tout cela à travers des témoignages forts qui appellent à la réflexion et posent une question lancinante: « Comment venir en aide à ces familles monoparentales à l’intersection de discriminations multiples ? ».
Médor
La partouze est finie
C’est l’une des missions de l’Europe: pousser les États membres à prendre des mesures exemplaires pour l’égalité et contre le harcèlement sexuel. Mais au sein de son instance la plus démocratique, le Parlement, la débauche a fait place au silence. Officiellement, il n’y a jamais eu d’agressions sexuelles (ou alors une seule?). Relisez cet article de juin 2024, nominé au True Story Awards 2025.
Tchack
Raed Abu Yussef : « En Cisjordanie, cultiver, c’est résister »
À Hébron, région vallonnée du sud de la Cisjordanie, la résistance civile à l’occupant israélien a le goût du raisin. Face à une armée et des colons de plus en plus cruels et violents, une poignée de paysans ont monté une coopérative, Al Sanabel, pour transformer une partie de leur raisin de table en jus. De quoi tirer un revenu décent de leur travail. Interview de Raed Abu Yussef, président de la coopérative Al Sanabel.